Le collège de la société civile au GMP et Organisations de la société civile impliquées dans la gouvernance du secteur extractif au Gabon vous livre la note de position des coûts pétroliers du Gabon pour l’exercice fiscal 2021-2024
SECTION 1: CONTEXTE ET JUSTIFICATION
Dans le cadre du rapportage ITIE assuré pour la production du rapport ITIE 2021, l’Administrateur Indépendant en dehors de la réalisation de l’étude de cadrage, de la réconciliation et du rapport ITIE 2021, avait aussi le mandat de la vérification et divulgation des coûts pétroliers des sociétés publiques et des entreprises privées. L’étude sur les coûts a été conduite de février à juillet 2023. Le projet de rapport soumis à l’examen du GMP en juillet puis présenté au GMP au cours de la session ordinaire du 28 juillet 2023.
Au terme de ce processus de revue, il est apparu de nombreuses limitations. C’est à cet égard que Nous, membres du collège de la société civile du Groupe Multipartite (GMP) de I’ITIE-Gabon élargi aux parties prenantes des organisations de la société ne siégeant pas au GMP, exprimons notre profonde inquiétude face à la gravité des manquements relevés, concernant la non exhaustivité et non fiabilité des données fournies sur les coûts pétroliers leurs conséquences associées d’une part, des obstacles traduites par la rétention et la non communication des données et informations critiques par le Ministère du Pétrole à travers la Direction Générale des Hydrocarbures au cabinet Moore Insight d’autre part.
Notre position est au plan légal fondée sur les dispositions énoncées à la section 2 en page 4 du protocole de la participation de la société civile qui précisent que la société civile a toute latitude de contribuer à l’élaboration de rapports ITIE, à la soumission d’éléments ou l’analyse de rapports ITIE et à la formulation d’avis concernant les activités de I’ITIE et la gouvernance des ressources naturelles d’une part et au plan pratique, sur l’engagement de contribuer à promouvoir la transparence et la redevabilité dans le secteur des industries extractives, tenant compte dans ce contexte des conclusions préliminaires du projet de rapport sur les coûts pétroliers d’autre part.
SECTION 2: RAPPORT DES COUTS PETROLIERS ET QUESTIONS PENDANTES
Les limitations
1. Absence des données sur les réserves pétrolières (prouvées, non prouvées,
probables, possibles);
2. Impossibilité de réaliser des examens analytiques de plausibilité basés sur les barils équivalent pétrole (BEP);
3.Refus par la Direction Générale des Hydrocarbures de permettre au cabinet Moore Insight de consulter les contrats pétroliers pour cause de confidentialité occasionnant une impossibilité à établir la conformité des coûts pétroliers avec les contrats pétroliers;
5. Absence des données sur la part de l’Etat dans la production par opérateur car non désagrégée par nature de coûts et par champ;
6. Impossibilité de réconcilier les coûts pétroliers déclarés par les sociétés et d’accomplir l’analyse des coûts par champ associée à la production correspondante;
7. Non communication de la nature des ajustements, redressements, rectifications et modifications éventuels sur les coûts pétroliers et sur les méthodes et techniques utilisées effectués par la Direction Générales des Hydrocarbures, non connu des sociétés et à la base des écarts importants rapportés ;
8. Refus par la Direction Générale des Hydrocarbures de permettre au cabinet Moore Insight de consulter les rapports, minutes ou procès-verbaux paritaires relatifs aux audits antérieurs des coûts pétroliers.
Les questions pendantes
Dans le projet de rapport examiné, les dépenses totales issues des coûts pétroliers déclarés et non réconciliés s’élèvent à 2 230 501 812 dont 948 904 756 FCFA pour celles du développement (CAPEX) et 1 281 597 056 FCFA pour celles de l’Exploitation/Opérations (OPEX), soient respectivement 43% et 57%.
Les sociétés ont déclaré 184 671 895 FCFA et la DGH 650 284 214 FCFA, en dépit des informations de la liste des types des coûts pétroliers admis (dépenses d’exploration, dépenses d’appréciation, dépenses de développement et dépenses d’exploitation), ces chiffres sont en contradiction avec ceux issus des formulaires de déclaration des sociétés et qui s’élèvent à 1 765 543 703 FCFA.
Ainsi, il est constaté un écart très significatif de 73% entre les données des formulaires de déclaration des sociétés et celles issues de leurs comptes des coûts pétroliers respectifs tels qu’arrêtés par la Direction Générales des Hydrocarbures.
Plusieurs questions en suspens demeurent à savoir :
1) Pourquoi la structure des coûts pétroliers diffère-t-elle entre celle des sociétés et celle retenue par la Direction Générale des Hydrocarbures sachant que celle-ci est consignée dans la règlementation (CEPP type) ?
2) Qu’en est-il du taux de récupération des coûts pétroliers, des reliquats des coûts pétroliers non récupérés et quels sont les plafonds des taux de récupération fixés dans la CEPP ?
3) Pourquoi les prix officialisés par le Gouvernement, Prix de Cession Officiel, (PCO) sont-ils communiqués très tard et qu’en est-il des quantités d’hydrocarbures préemptées et des montants versés ?
4) Quelle est la situation actuelle du compte des coûts pétroliers du Gabon sur la période 2013-2023 et qu’en est-il du respect des taux de récupération des coûts pétroliers en général et par zone délimitée en particulier ?
5) Qu’en est-il de la participation de l’Etat << partenaire » de 10% aux coûts pétroliers relatifs au développement et à la production de la zone d’exploitation à l’exclusion de toute dépense d’exploration ?
6) Pourquoi les données sur la participation de l’Etat aux opérations pétrolières en tant que Gabon OilCompany << opérateur », Gabon OilCompany << partenaire » et Gabon Oil Company « collecteur » de la part de l’huile de l’Etat sont-elles entachées de biais au regard des tableaux 4 en page 13 et tableaux 1, 2 et 3 en pages en pages 11 à 13 ?
7) Qu’en est-il de la part d’huile de l’Etat en 2021 et en 2022 à intégrer dans le cadre du rapport ITIE 2022 en cours de préparation ?
8) Quelle est la situation actuelle des fonds de concours du secteur pétrolier définis à l’article 212 du code des hydrocarbures (fonds de soutien aux hydrocarbures, fonds d’équipement de l’administration des hydrocarbures, fonds de formation, fonds de développement des communautés locales et fonds pour l’atténuation des impacts de l’activité pétrolière sur l’environnement) ?
SECTION 3: PROPOSITIONS DE RECOMMANDATIONS ET PERSPECTIVES 2023-2024
L’information de base n’étant pas divulguée tel que préconisée par la norme ITIE version 2019 (intégralité des contrats et leurs annexes, addenda ou avenants pertinents, autres documents pertienents) et tenant compte des obstacles rapportés dans le rapport, sans risque de se tromper, il apparait que la détermination de la part de la production revenant à l’Etat sous l’appellation << Profit Oil de l’Etat » ou « Part de l’huile de l’Etat est entachée de biais.
Dès lors, il convient d’accorder une attention soutenue à l’amendement dudit rapport pour tenter de lever les limitations de fond exposées dans ledit rapport qui constitue un document essentiel de tout effort vers une mobilisation optimale des essources domestiques par l’Etat et notamment le « Profit Oil de l’Etat » ou « Part de l’huile de l’Etat ».
En sus, à ce jour, l’accomplissement des audits des coûts pétroliers de l’année 2021 n’a pas été confirmé par les sociétés pétrolières déclarantes en dehors de TotalEnergy Ep Gabon. Dans le même ordre d’idées, il est plus qu’urgent dès à présent de déclencher le processus d’audit des coûts pétroliers de l’exercice fiscal 2021 pour éviter à l’Etat gabonais d’ici la fin décembre 2023, de perdre ses droits de contrôle.
En effet, selon les dispositions de la réglementation déclinées dans le Contrat d’Exploration et de Partage de Production (CEPP) type, la Direction Générale des Hydrocarbures dispose d’un délai de deux (02) ans pour exercer son droit de vérifications et contrôles des coûts pétroliers.
L’absence des audits des coûts pétroliers de 2021 présente un risque significatif sur la capacité de la Direction Générale des Hydrocarbures à les accomplir à temps avant la fin du mois de décembre 2023 et pose ainsi un risque de perte du droit de contrôle de l’Etat.
Nous encourageons le Ministère du Pétrole à travers la Direction Générale des Hydrocarbures à autoriser l’accès aux contrats et aux différentes autres sources de données sollicitées par le cabinet Moore Insight pour améliorer la qualité du rapport d’une part, lever les limitations et fournir les éléments de réponses aux préoccupations formulées dans la présente note au niveau de la section 2 << Questions pendantes ».
Considérant que la transparence et la redevabilité des opérations dans les industries extractives au Gabon ne peut être obtenue sans opérationnalisation des principes, critères et indicateurs associés à la Norme ITIE version 2019;
Vu que lavérification et divulgation des coûts pétroliers des sociétés publiques et des entreprises privées est un engagement contractuel de la mission de l’Administrateur Indépendant et que le projet de rapport sur les coûts pétroliers a révélé de nombreuses limitations ;
Convaincus que la mise en œuvre du processus de I’TTIE peut aider à jeter les bases d’une gestion transparente, durable et responsable des richesses provenant des ressources naturelles au bénéfice des citoyens, à l’amélioration de leur bien-être et cadre de vie au Gabon ;
Unies pour une mobilisation et un éveil citoyen forts en matière de gestion des connaissances, des savoirs et de conduite de débat public participatif et informé des parties prenantes;
Reconnaissant que, mieux exécuté de manière inclusive, le processus de ITTIE représente un véritable levier de transformation et de changement de comportements dans la pratique de la gouvernance dans les industries extractives ;
Sachant que, les délais impartis à la conduite des audits des coûts pétroliers s’amenuisent et que l’Etat gabonais risque de perdre son droit de contrôle d’ici la fin du mois de décembre 2023.
Tenant compte des limitations importantes relevées dans le projet de rapport, Nous, membres du collège de la société civile du Groupe Multipartite de ITTIE-Gabon élargi aux parties prenantes des organisations de la société ne siégeant pas au GMP, recommandons ce qui suit :
1. Instruire la Direction Générale des Hydrocarbures de fournir au cabinet les éléments liés aux limitations afin d’améliorer la qualité du rapport d’une part et ainsi de répondre aux questions en suspens d’autre part;
2. Revoir le mécanisme de réalisation des audits des coûts pétroliers en associant à la Direction Générale des Hydrocarbures, les institutions supérieures de contrôle ou d’autres institutions spécialisées telles que la Cour des Comptes, l’Autorité Nationale de Vérification et d’Audit (ANAVEA) ou ITTIE-Gabon conformément à l’alinéa 7, chapitre premier du décret 0077 réorganisant ITTIE-Gabon qui stipule que « ITTIE-Gabon peut participer à la réalisation des audits des comptes des industries extractives menés par des cabinets spécialisés >> ;
3. Lancer sans délai l’audit des coûts pétroliers de l’exercice fiscal 2021 de toutes les sociétés pétrolières concernées dans le périmètre d’application de la norme ITIE version 2021 au Gabon ;
4. Réaliser l’audit des fonds de concours du secteur pétrolier.
